(j'ai un peu retouché l'article parce qu'il était incompréhensible, et j'en ai profité pour supprimer quelques fautes d'orthographe xD)
Je poste un petit article sur le cinéma, sinon vous risquez d'oublier que c'est ma passion première ;-)
Et aujourd'hui je veux parler d'un film dont on ne parle pas souvent - parce que ceux qui ont assez de savoir en cinéma pour l'apprécier pleinement sont trop snobs pour le faire, et que les autres n'ont rien à en dire (même s'ils y sont sensible).
Ce film s'appelle Edward Scissorhands, ou Edouard aux mains d'argent pour ceux qui osent l'hérésie de le regarder en français. Déjà, c'est un film de Tim Burton, ce qui ne facilite pas les choses (ça ne fait pas sérieux de parler de Tim Burton, il est trop populaire).
Même si je dois avouer que, en règle générale, les fans de Burton m'agacent énormément, on ne peut pas nier que c'est un cinéaste qui a développé sa propre esthétique, sa propre vision du cinéma, et qui est juste absolument génial, pour faire simple.
Bref.
Quelques petites « règles » avant de commencer:
1/ ne jamais rien croire ni même LIRE ce qui est dit de Tim Burton sur le net. J'ai débuté comme ça, et après plus de recherches je me suis rendu compte que c'était un gros tas de merde. Vraiment... généralement j'évite les fansites parce que ça peut me mettre en colère pour le reste de la journée!
2/ n'achetez AUCUN livre sur Tim Burton, vous perdez votre argent c'est du même topo, d'ailleurs les fansites s'inspirent souvent de ces bouses. En gros, c'est comme les fansites, sauf qu'en plus de perdre votre temps, vous payez pour perdre votre temps! Le seul livre que vous ayez le droit de lire, c'est Burton on Burton qui est un (super) recueil d'interviews de Tim Burton, avec ses dessins etc, et c'est pour moi la base de tout pour les fans. C'est un bon début, mais faut pas s'en tenir qu'à là, en gros.
3/ ne partez pas du principe que sous prétexte que quelqu'un connaît le cinéma, il comprend Tim Burton, parce que quand je lis certains magazines "reconnus" et que je vois ce qu'ils ont à dire de Burton, c'est un massacre ils passent toujours à côté de l'essentiel. Ma mère ne connait presque rien au cinéma, et c'est sûrement la spectatrice la plus réceptive que j'aie jamais vu vis à vis de ce film. Donc, voilà!
4/ ne vous fiez qu'à ce que Tim Burton dit et fait. C'est la règle la plus importante. Ecoutez les commentaires audios, recherchez ses interviews, et un truc cool aussi si vous pouvez le faire c'est essayer de copier ses dessins (pas au calque hin, comme ça). Parce que j'ai remarqué que quand on apprend à dessiner comme quelqu'un, on comprend bien mieux ce quelqu'un.
Autre petit conseil si vous êtes très motivé, notez tous les noms de films et de livres et de peintres cités par Tim Burton (même quand il dit que c'est de la merde) et essayez de les voir dans des médiathèques ou achetez les. J'ai une vidéothèque de près de 300 films qui vient uniquement de là, donc vous avez de quoi faire. C'est le meilleur moyen le comprendre, en rentrant dans sa tête et dans son état d'esprit. Parfois, les recherches sont infructueuses (comme pour Edgar Allan Poe, où je n'ai jamais vu en quoi Poe avait influencé Burton), mais parfois aussi on découvre des perles rares.
Bon passons au film.
Pour comprendre Edward Scissorhands, il faut comprendre certaines choses sur Tim Burton. Je vais faire un bref résumé de ce qui à mon avis fait que Tim Burton est Tim Burton – l'essence.
Ici je dirai souvent que telle scène tourne autour d'une « image »: je ne parle pas d'UNE image en particulier mais des caractéristiques visuelles de la scène en général. Quand je parle « d'image » chez Tim Burton, je fais référence aux particularités visuelles d'une scène, et pas nécéssairement à une photographie.... Comme quand je pense à un acteur, je pense aux particularités de son jeu plus qu'à son portrait. C'est une pensée floue, indéfinie.
Un exemple: Batman Returns, le Pinguin sort de l'eau avec un liquide noir qui sort de sa bouche et de ses narines, puis il se déplace tant bien que mal vers l'un de ses parapluies piégés. Malheureusement pour lui il prend le seul parapluie qui n'est pas piégé, et il meure en prononçant des paroles incohérentes. Enfin, des pingouins viennent glisser sa dépouille dans l'eau des égoûts.
On dirait pas mais cette scène est très abstraite: quel est le liquide noir? Comment les pingouins peuvent déplacer un corps aussi lourd? A quoi SERT cette scènbe d'ailleurs, on aurait très bien pu croire que le Pinguin était mort et ne pas en rajouter, ça aurait collé!
Dans l'esprit de Tim Burton, l'important n'est pas vraiment la cohérence "logique" d'une scène mais sa cohérence visuelle: il aime juste l'image du Pinguin qui se déplace avec un liquide noir (quel qu'il soit!) qui lui coule de narines; il aime le fait que, symboliquement, les pingouins déposent leur "père adotpif" là où ils l'ont trouvé 30 ans auparavant. La dernière phrase du Pinguin "d'abord je veux boire un bon verre d'eau" est certes inutile, mais vraiment cool, sachant qu'il meure deux secondes plus tard et que nous savons très bien qu'il n'aura jamais l'occasion de boire un autre verre d'eau (ma phrase préférée dans tout le film est définitivement "Oh shit! I picked the cute one!").
Deuxième exemple tiré de Edward Scissorhands, la scène où Ed sculpte un ange dans la glace: où Ed a-t-il trouvé la glace, dans un bled paumé où il ne neige jamais? Peu importe, ce qui compte c'est que visuellement, cette scène est dit ce qu'elle a à dire. C'est une façon "abstraite" de répondre à la curiosité de l'enfant qui, au début du film, demande à sa grand-mère d'où vient la neige.
Donc malgré les apparences, le cinéma de Burton est plutôt abstrait. Certains critiques se servent des questions précédentes ("où Ed a-t-il trouvé la glace" etc) pour dénigrer son cinéma, mais pour moi c'est la beauté de Burton justement, et si il y avait une justification "logique" à ces scènes elles auraient moins d'intérêt. C'est la beauté du cinéma burtonnien, de nous raconter son histoire, de dire quelque chose, uniquement par l'utilisation de symboles.
Si je raconte à quelqu'un le flashback où Vincent Price meure, il restera de marbre. Si il le voit, il sera vraiment marqué (une fois j'ai montré le film à un ami et il n'arrivait pas à dormir à cause de cette scène lol). On ne peut pas raconter un film de Burton, on ne peut que voir.
Un jour un critique a reproché aux films de Burton de n'être qu'une succession d'images, et Burton a répondu "et alors, c'est un film, pas un programme radio!" Eh bien tout en voulant critiquer, ce journaliste a saisi ce qui est l'essence du cinéma "burtonnien", selon moi.
Je pense que c'est surtout du au fait que Tim réfléchit en dessinant, tout le temps, tout le temps, tout le temps... et aussi au fait qu'il vient de l'animation. En animation on raisonne plus ou moins comme ça.
Pensez y en regardant des films comme Big Fish, ou Pee Wee's Big Adenture. Ces deux films sont bons pour découvrir parce qu'ils fonctionnent comme une succession d'épisodes. En quelque sorte. Et Big Fish est limite un petit cours sur le symbolisme.
On peut dire des tas de choses sur Tim Burton, mais ça c'est vraiment l'essentiel pour moi. Quand Tim Burton lit un script, il cherche les images qui l'intéressent en premier, il regarde le potentiel visuel du scénario.
Si un cinéaste lambda devait filmer une type qui rentre dans une voiture et qui sort du champs, il penserait: "qui est ce type, d'où il vient, où il va". Je ne suis pas Tim Burton, mais tel que je conçois les choses, il penserait plutôt: "pourquoi est ce qu'on veut voir ça? Pourquoi le public voudrait-il voir un type rentrer dans sa bagnole et sortir? Comment on va faire pour que cette scène ait un intérêt". Bien sûr, pour répondre à ces questions il est utile de savoir qui est le personnage, d'où il vient et où il va, mais je veux souligner là une différence d'approche: dans un cas il y a une logique narrative, et dans l'autre on a une logique "visuelle". Burton fait des scènes formidables avec un scénario vide. C'est pas le seul à le faire, mais il le fait avec un style bien à lui.
Et pour la petite anecdote, dans Planet of the Apes, un moment Thade devient fou et saute dans tous les sens, et j'ai toujours trouvé cette scène géniale... et dans une interview, Burton expliquait que sur le script il y avait juste écrit "Thade s'énerve". Et là je me dis "putain, il lit deux mots, et il te sort un truc comme ça"! Ca fout la rage un peu... *Orange s'énerve*
BREF.
Revenons en à Edward Scissorhands lol. Je ne parlerai que de la scène la plus importante du film, parce que sinon on va faire nuit blanche!
Edward rentre chez les Boggs, c'est le soir de Noël, et tout le monde le cherche dans la ville. Seule Kim est restée à la maison, elle échange quelques mots avec Ed puis lui demande de la prendre dans ses bras ("hold me"). Edward tente le coup, mais à cause de ses mains ciseaux il n'y parvient pas. Par une magouille indescriptible Kim parvient quand même à se glisser dans les bras de Edward, et on a le droit à un superbe flashback (avec Vincent Price, l'acteur favori de Tim Burton - et un de mes acteurs préféré aussi) qui nous ramène aux origines de Edward. Ce flashback confirme ce que la grand-mère raconte au début du film: l'inventeur est mort avant de finir Edward, sa création.
Je vous parle de cette scène en particulier pour deux raisons: d'abords, cette scène est le noyau du film. C'est l' « image » du film: un être, ni robot ni humain, qui doit garder ses émotions pour lui, qui ne peut rien extérioriser à cause de ses mains-ciseaux. Il veut sentir les choses. Il veut les toucher. Mais il ne peut pas. C'est cette image paraît-il très commune (d'après les mots de Tim) de quelqu'un qui n'arrive pas à communiquer, que l'on considère terrifiant mais qui ne l'est pas. Donc on retrouve un peu la notion d'image de tout à l'heure: une image autour de laquelle gravite tout un film.
L'autre raison, c'est que dans cette scène, il ne se passe rien (ni chez les Boggs, ni dans le flashback). Tout est dit - non, tout est suggéré - dans les yeux des acteurs (Johnny Depp, Winona Ryder et Vincent Price). Tout est suggéré par le rythme de la scène, par la gestuelle. Kim et Ed parlent, mais ils ne se disent rien, ils s'écoutent à peine, et le spectateur les écoute à peine, parce que ce dont ils parlent n'est pas le sujet de la scène. Cette scène est le meilleur exemple auquel je puisse penser, de tous les films de Tim Burton, qui illustre la puissance des images et l'importance accordée au côté sensitif du cinéma. Cette scène illustre parfaitement la narration chez Tim Burton: par la suggestion, par les symboles, par les images - et non par l'action. Et celui qui voit la scène avec ces yeux là en aura une compréhension très profonde! La scène s'enchaîne naturellement donc on s'en rend pas compte, mais tout est dans l'abstraction, c'est d'une finesse... c'est vraiment une scène magnifique, au delà de ce qu'elle raconte... c'est la façon dont elle est racontée qui est magnifique! Et il faut toujours penser à cette différence monstration/suggestion.
Voilà, la narration chez Tim Burton, je pense que les grandes lignes y sont... Ce que je dis là est applicable dans tous ses films quasiment.
Juste un mot sur la mort de l'inventeur, c'est que Edward Scissorhands est le dernier film de Vincent Price, et vu le rôle hautement symbolique de Vincent dans ce film, c'est vraiment une tombée de rideau incroyable. On ne peut pas rêver mieux comme dernière scène à l'écran: "Vincent Price et son successeur!" ou "Vincent laisse la place à sa création!"
J'ai cherché toutes les vidéos de youtube et dailymotion et j'ai pas trouvé mieux, c'est la scène "clé" dont je vous parlais mais y a pas l'enchaînement avec le flashback, c'est vraiment dommage... mettez le en plein écran, la qualité est merdique et c'est sous-titré en chinois mais bon... c'est mieux que rien!
Et finalement j'ai trouvé une autre vidéo, c'est une compilation des flashbacks du film, il y a celui dont je vous parlais à 03:36, donc regardez le xD